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Pages et toiles

25 octobre 2015

"Boomerang" - Film de François Favrat

 

 

Boomerang

Avec Mélanie Laurent, Laurent Lafitte, Audrey Dana ... - 2015.

La lecture du synopsis laisse penser que nous avons là une énième resucée de ces histoires familiales , avec leurs secrets enfouis, leurs non-dits, leurs déchirements, leurs règlements de compte, tels qu'on nous en propose tant sur les chaînes de télévision. De plus, une adaptation d'un roman de Tatiana de Rosnay ... Bon, tout cela ne donne pas très envie. Pourtant la lecture de quelques critiques, les avis de quelques cinéphiles, le goût pour les polars ... et nous voilà installés devant l'écran, un soir d'octobre, sans trop savoir à quoi s'attendre.

Un début accrocheur et même fracassant, de beaux paysages de l'île de Noirmoutier, des personnages attachants, un acteur, Laurent Lafitte, efficace et attachant, auquel le film et sa crédibilité doivent beaucoup.... Il n'en faut pas plus pour se laisser emporter par cette histoire dont rien ne laisse présager le dénouement final. En somme, un film efficace, qui sait jouer sur les retours en arrière pour raviver les souvenirs enfouis des deux personnages principaux Antoine et sa sœur Agathe ; qui sait aussi rendre à la fois envoutant et angoissant la lumière et les paysages de Noirmoutier avec son passage de Gois, lien ténu et précaire entre l'île et le continent.

Il y a trente ans, la mère d'Agathe et d'Antoine a été retrouvée morte sur une plage de l'île de Noirmoutier, noyée. Jamais les circonstances de la noyade n'ont réellement été élucidées. Antoine, enfant et sa sœur Agathe, encore plus jeune au moment des faits, ont enfoui les souvenirs de cette période et leur père a dressé un mur de silence sur le sujet. Mais, de retour dans l'île, quelques bribes de souvenirs affleurent dans la mémoire d'Antoine. Il n'en faut pas plus pour lui donner l'envie d'en savoir plus. Et le refus de son entourage de lui en dire plus, le pousse à s'acharner à connaître la vérité sur les circonstances troubles de la morts de sa mère....

Les relations familiales sont au cœur de cette intrigue qui, en provoquant une vrai empathie avec le personnage principal,parvient à prendre le spectateur aux tripes et jusqu'au dénouement.

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10 octobre 2015

"La nuit du renard" - Mary Higgins Clark

renard

 

 

Paru aux États Unis en 1977 - France : 1979. Traduction : Anne Damour.

Second roman à suspense de M.H.C.,la "Nuit du Renard" (A stranger is watchnig) est celui qui l'a fait connaître en France où elle a reçu pour cet ouvrage le Grand prix de littérature policière en 1980;

La femme de Steve a été assassinée deux ans plus tôt... Son meurtrier, Ronald Thompson, doit être exécuté dans les prochains jours. Condamné sur le seul témoignage du jeune Neil, fils de Steve et témoin du drame, il clame son innocence. Une journaliste, Sharon Martin, militante contre la peine de mort, tente de le sauver de la peine capitale. Le compte à rebours est lancé ... Steve et Sharon, se sont rencontrés sur un plateau de télévision. Opposés sur la question de la peine capitale, ils sont devenus amants et projettent de se marier... 

"Il n'avait qu'un désir, renter chez lui et retrouver Neil en bonne santé. Il voulait que Neil soit à nouveau heureux. Il voulait embrasser Sharon, la tenir contre lui. Cette nuit, il voulait l'entendre bouger dans la chambre d'invités, savoir qu'elle était tout près. Tout finirait par s'arranger. Rien ne devrait plus se mettre entre eux deux.

Steve mit quinze minutes pour faire le trajet au lieu des cinq habituelles. Les routes n'étaient qu'une plaque de glace. A un stop, il appuya sur le frein et la voiture glissa jusqu'au milieu du croisement. Heureusement, il n'y avait personne dans l'autre sens.

Il tourna enfin sur Driftwood Lane. La rue lui semblait inhabituellement sombre. Cela venait de sa maison - les lumières étaient éteintes ! Un sentiment de terreur le raidit de la tête aux pieds."

Mais, alors que Sharon tente tout pour sauver Ronald Thompson de la peine capitale, elle est enlevée avec Neil par un tueur en série et sequestrée dans un local désaffecté situé au sous-sol de Grand Central Terminal, la plus grande gare du monde, située au coeur de Manhattan. Lorsqu'il s'absente du local, le kidnappeur, qui se fait appeler Renard, n'oublie jamais de relier une bombe de forte puissance à la seule porte d'accès.

"Sous l'éclairage poussiéreux et irrégulier, l'ombre de l'homme, sombre et marbrée sur le ciment du mur semblat fragmentée par la peinture écaillée. Il hocha la tête et se dirigea vers le vieil évier rouillé. Le robinet cracha un filet d'eau dans un gargouillement saccadé. Profitant de ce qu'il avait le dos tourné, Sharon examina les photos. Deux des femmes étaient mortes ou mourantes ; l'autre essayait d'échapper à quelque chose ou à quelqu'un. Leur avait-il fait ça ? Quelle sorte de fou était-il ? Pourquoi les avait-il kidnappés, elle et Neil ? C'était risqué de leur faire traverser la gare. Cet homme avait tout préparé dans les moindres détails. Pourquoi ? "

La course contre la montre est déclenchée : le sauvetage de la jeune femme et de l'enfant qui souffre de problèmes respiratoires, mais aussi celui du condamné sont en jeu... Le suspense est partout tant M.H.C prend un malin plaisir à superposer les situations angoissantes. Ce roman palpitant, au rythme soutenu et où la tension est permanente, se lit d'une traite tant on a hâte d'en connaître l'issue. Et nous ne sommes pas déçus ... En quelques pages, M.H.C. nous livre un dénouement à la hauteur de l'intrigue !

 

3 octobre 2015

"J'ai épousé une ombre" - William Irish

 

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Titre original "I married a dead man" - 1948. Première publication française : 1949. Traduction G.M. Dumoulin et Minnie Danzas.

Certainement l'œuvre majeure de William Irish et un des grands titres du roman noir américain.

Deux jeunes femmes enceintes se rencontrent dans un train. Helen , abandonnée par l'homme qui lui a fait l'enfant, fuit New York. Patricia, jeune mariée va rencontrer sa belle famille qu'elle ne connaît pas ... Dans les toilettes, Patricia confie son alliance à Helen quand soudain le train déraille.... Patricia et son époux meurent. Helen se réveille à l'hôpital avec au doigt l'alliance de Patricia et comprend rapidement que les personnes qui sont à son chevet, parents du jeune marié mort dans l'accident,  la prennent pour Patricia.

Elle se retrouve donc avec son enfant dans une famille fortunée qui la prend pour une autre. Dire la vérité, ou assurer l'avenir de son bébé dans ce cocon familial qui la dorlote et veille sur elle et l'enfant ? Rongée par le remord, Helen/Patricia se résout à se taire. Mais elle tombe amoureuse  du second fils de la famille, frère du disparu. le mariage en vue, la vie s'écoule dans un bonheur du quotidien au sein duquel la jeune maman s'installe progressivement....

"Elle commença par errer dans la maison, à l'aventure, prenant contact avec la maison, se laissant imprégner de cette merveilleuse sensation d'en faire partie. Elle touchait un dossier de chaise, palpait le tissu d'un double rideau.

La mienne. Ma maison. La maison de mes parents et la mienne. La mienne. La mienne. Mon foyer. Ma chaise. Mon rideau. Non, je vaux que tu tombes ainsi, légèrement en arrière, c'est mois qui veux ordonner tes plis ...

Stupidité ? Caprice ? Enfantillage ? Sans aucun doute. Mais qui peut se vanter d'être sans caprice, sans enfantillage ? Sans eux, que serait la vie ? Ou, sans eux, y a-t-il de la vie ?"²

C'est alors que débarque l'homme qui l'avait séduite, mise en ceinte puis abandonnée. Il a découvert qu'elle s'apprête à épouser un homme riche après avoir usurpé l'identité d'une morte. Le chantage est là, la menace que tout s'écroule ... Il faut se débarrasser de cet homme. Mais un autre se charge du travail à sa place. Qui ? Pourquoi ? 

"Ce fut sur le chemin du retour qu'elle sut qu'elle allait le tuer. Elle sut qu'elle n'avait pas le choix, que c'était la seule chose qui lui restait à faire. Elle aurait dû le tuer plus tôt, il y a longtemps, le premier soir où elle était montée à côté de lui dans la voiture. Elle aurait gagné du temps. Elle aurait évité la déchéance et l'horreur indicibles de cette nuit. Elle n'y avait pas pensé alors : c'était la seule chose qui ne lui était jamais venue à l'esprit. Elle n'avait pensé qu'à le fuir, qu'à lui échapper par tous le smoyens, mais jamais à acheter sa sécurité à ce prix, au prix d'un meurtre."

L'atmosphère de ce roman est lourde, la tension palpable. On se surprend à espérer une destinée heureuse pour la pauvre Helen si malmenée par la vie. On le doit beaucoup à l'approche introspective du personnage d'Helen privilégiée par Irish pour conduire son récit. On sent, de la part de l'auteur,  de l'emphatie pour le personnage féminin de ce roman, ce qui n'est pas le cas dans tous les romans d'irish où bien souvent, la femme est celle  part qui arrive le malheur.... 

Un roman d'une noirceur absolue où se bousculent les thèmes chers aux romans noirs : l'amour impossible, l'imposture, le chantage, le meurtre,...  A lire toutes affaires cessantes !

 

26 septembre 2015

"Le tout nouveau testament" - Film de Jaco van Dormael

le tout nouveau testament

Avec Benoit Poelvorde, Yolande Moreau, Catherine Deneuve, Pili Groyne ... - 2015.

Dieu est Belge. Il habite au dernier étage d'une tour à Bruxelles. Odieux avec sa femme, il bat sa fille et passe son temps, derrière son ordinateur, à trouver comment rendre la vie impossible aux humains. Jusqu'au jour où Ea, sa fille, 10 ans, décide de se venger des mauvais traitements qu'elle subit et envoie à chaque habitant de la Terre la date de son décès. Puis elle se sauve en descendant sur la Terre afin de trouver six nouveaux apôtres pour faire une équipe de 18 (avec les 12 que son frère Jésus avait déjà trouvés). Dieu part à sa recherche. Mais sur Terre, personne ne le prend au sérieux ! Devenu SDF il sera embarqué avec des sans papiers réfugiés dans une église ...

De nombreux critiques ont fait la fine bouche devant ce film, lui reprochant de ne jamais vraiment choisir entre la comédie, la poésie et un certain fantastique... Mais c'est précisément ce qui en fait un film qui ne ressemble à aucun autre. Le loufoque de la première partie laisse progressivement place à des rencontres où le fantastique et la poésie nous invitent à décrocher de la réalité, à rendre le monde plus attachant, plus beau à vivre ... Et ce Dieu qui va de déchéance en déchéance permet une sorte de contre-point comique et dérisoire.

Jaco van Dormael est belge. Tout respire ici la "belgitude". L'humour caustique et grinçant, le décalage des situations et des scènes qui renvoient aux tableaux de Magrite par leur beauté surréaliste mais aussi un certain humanisme des situations ... 

Un beau moment de cinéma avec deux très grands acteurs : Benoit Poelvorde qui peu donner libre champs à sa démesure et Yolande Moreau, Déesse muette et maltraitée qui écoute Dalida et Adamo sur son tourne-disque en collectionnant ses images Panini...

12 septembre 2015

"Manhattan Love Song" - William IRISH

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Rivages / Noir - 

Publié en 1932, "Manhattan Love Song" est le premier roman de maturité de William Irish. Jusqu'ici cantonné dans la publications de nouvelles, il se tourne là vers le roman noir. New York, début des années 30, deux êtres se croisent par hasard dans la rue, Wade et Bernice. Le premier est marié a une femme amoureuse et possessive, la seconde mène une vie mystérieuse entre mafia, gangsters et prostitution. Manhattan love song est le roman d'une passion destructrice. Thème récurrent dans l'oeuvre de Irish. Lui est attiré par le mystère qui entoure Bernice, elle cherche avec Wade à fuire ses démons. Mais bien qu'elle cherche à lui cacher le côté obscure de son existence, et que lui ne tente pas vraiment d'en savoir plus, la réalité rattrape bien vite le couple. Et rien ne sert de la fuire, le destin reste le plus fort ...

"- C'est drôle, je ne sais pas comment t'expliquer, murmura-t-elle, mais j'ai parfois l'impression que tu es entré dans ma vie pour me rappeler qu'il était trop tard ; comme si quelqu'un agitait un doigt sous mon nez en disant : "Regarde ce qu tu as raté, Bernice !" Mais ce n'est pas tellement toi, mon chéri, c'est ce que tu représentes dans mon esprit ; tu n'as rien de particulier, tu n'es pas différent d'un douzaine, d'un millier d'autres hommes - comme dans cette chanson qu'on entend partout : "Bill est arrivé, vous le verriez dans la rue, vous ne le remarqueriez même pas." Mais tu m'aimes pour moi, c'est ça qui compte - et puis tu es honnête et sans cruauté. Le genre de filles que tu dois fréquenter ne me comprendraient pas : elles diraient : "Qui veut de Bill ? le monde est plein de Bill" ; elles veulent du romanesque, des niaiseries, des cheiks arabes et de mystérieux inconnus. Wade, mon chéri, un homme est mort entre mes bras ... J'ai du faire semblant de le ramener à notre table en dansant, alors que je savais que je tenais un cadavre entre mes bras, pour que les gens croient qu'il était simplement ivre - et son sang coulait des petits trous faits par la balle, imprimant sur ma robe des taches grosses comme des pièces de dix cents. Peut-être que c'est ça le romanesque ; pour moi c'était simplement obéir aux ordres. Ils peuvent se le garder, le romanesque ; moi je veux ce que toi tu représentes. Je veux vivre à ta manière, et oublier la mienne. Et je crains que ce ne soit, malheureusement, trop tard."

Comme dans ses romans ultérieurs, le personnage féminin est au centre de la descente aux enfers du couple. C'est elle qui entraine le pauvre Wade, victime consentante, vers la déchéance et l'enfer. Alors, la vie ne vaut plus la peine d'être vécue, plus rien n'a de sens ... que la mort. William Irish est considéré comme un des maîtres du roman à suspens. Si ces romans ultérieurs vont lui permettre de développer plus encore cette veine littéraire ("J'ai épousé une ombre", " La sirène du Missippi"...), l'intrigue de Manhattan love song laisse déjà une grande place au suspens. Mais tout est insidieux. A chaque page la catastrophe annoncée nous semble de plus en plus inéluctable sans qu'on soit capable de pressentir d'où elle va venir : la vengeance, l'infidélité, le désespoir, la double vie .. quel va être l'élément déclencheur ? Tout l'art de William Irish réside dans cette capacité à faire progressivement monter la tension pour nous contraindre à ne plus reposer le livre sans en avoir lu l'ultime ligne...

Si Manhattant love song n'est certe pas le meilleur des romans de William Irish, il mérite grandement le détour pour les germes qu'il porte en lui et une lecture agréable et prenante.

 

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22 août 2015

"White Jazz" - James Ellroy

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Traduction Freddy Michalski - 1991

Après "Le dahlia noir", "Le grand Nulle part" et "L.A. Confidential", James Ellroy apporte une conclusion au "Quatuor de Los Angeles" avec "White Jazz". Nous sommes à Los Angeles à la fin des années 50 du XXeme siècle. Nous retrouvons les personnages des romans précédents ... Le lieutenant Dave Klein du LAPD travaille sous la direction de ED Exley qui roule pour les Républicains et couvre leurs basses oeuvres... A ses heures perdues Dave Klein fait aussi prospérer ses propres affaires de locations d'appartements plus ou moins sordises et roule pour certains truands de la ville. Entre son travail de policier, ses relations personnelles avec la pègre et les libertés qu'il prend lui-même avec la loi, pas simple de s'en sortir indemme. Bien des années après, retraité, il se souvient. Et ses souvenirs ne sont pas très rutilants ! Manoeuvrés par les politiciens locaux, pris dans les rivalités entre services du LAPD et police fédérale, menacé par la pègre locale, il joue gros ! Les méthodes sont expéditives et seuls les jeux de protection et d'influence lui permettent de s'en sortir plus ou moins bien... Sans oublier les règlements de compte : il n'hésitera pas à éliminer son propre coéquipier, trop curieux, trop génant, trop indépendant ... Le tout sur fond d'une histoire d'amour improbable avec un actrice de seconde zone, ancienne prostituée et d'une relation plus qu'ambigüe avec sa propre soeur....

C'est une fois de plus une vision très sombre de l'Amérique des années 50 que nous livre ici James Ellroy. Une Amérique minée par les compromissions entre police, politiciens et mafieux. L'Américain lambda n'a pas de place dans les romans de James Ellroy. Il est quantité négligeable et simple spectateur d'enjeux qui le dépasse ... 

Mais ce qui fait l'originalité de ce roman noir, c'est l'écriture plus qu'épurée d'Ellroy. Parfois à la limite du lisible et du compréhensible. Le style télégraphique employé sur des pages entières demande une concentration de tous les instants pour ne pas perdre le fil. Parfois, la lecture à haute voix devient presque nécessaire ...

" Entre - cette odeur - du sang. Ampoules de flash, costumes gris - continue.

Hall d'entrée gauche : deux bergers allemands morts.

Ecume à la gueule, outils éparpillés - bêche / cisailles / fourche, ensenglantées. Morceaux de bidoche, bave - traînées de dégueulis.

Poignardés / tailladés / empalés à la fourche - des entrailles, en tas.

Accroupi - écarte-leur les mâchoires - haut-le-coeur.

Chiffons - chlorure de stelfacteznide.

Ca colle - Kafesjian 459.

Avance / regarde / réfléchis - les costards qui se reculent :

Couloir d'entrée, en façade - disques brisés, couvertures d'albums par terre. Du jazz de Noël - ça colle - la lettre de maman.

Bouteille de gnôle / portraits : en miettes, écrabouillés - ça colle avec l'affaire K. Photos de famille - papa, deux filles.

Maman au mateur : "Tes soeurs".

Qui parle de suicide, suicide."

Mais derrière cette écriture si exigeante pour le lecteur, on sent aussi le policier aux abois, sur le qui-vive, en perpétuelle éveil. Contraint de replacer les éléments qui se percutent, se chevauchent, se contredisent parfois mais qui, à l'arrivée, ont une cohérence. La manipulation est omniprésente. Mais qui manipule qui ? Il faut attendre la fin du roman pour le compendre ...

Un long roman, une écriture complexe, une intrigue des plus sombres ... Pour passionnés de roman noir !

9 août 2015

"Microbe et Gasoil". Un film de Michel Gondry.

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L'interprétation d'Ange Dargent dans le rôle de Daniel Guéret, surnommé "Microbe" et Théophile Bacquet dans celui de Théodor Leloir, dit "Gasoil", la simplicité du film, son côté contestataire font de ce film un moment fort agréable de cinéma. Des situations improbables, un humour tout en finesse, une poésie ambiante nous conduisent à entrer  volontiers dans l'univers cocasse et déjanté de ce Roadmovie adolescent.

Pourtant, à la réflexion, on se dit que Gondry , par petites touches, en proposant le rêve face à une réalité peu reluisante ( les parents des deux adolescents ne sont guère glorieux !), en nous obligeant à faire un pas de côté vers l'imaginaire signe aussi un film qui dit beaucoup sur notre monde et ses travers....

Etre en marge et s'assumer ainsi ! Pas évident lorsqu'on est adolescent. C'est pourtant ce que font Microbe et Gasoil, en osant aller au bout de leurs rêves : construire leur automobile avec un moteur de tondeuse à gazon et quelques planches et partir à la découvete de la France, vers le Massif central ( beaux souvenirs de Gasoil) puis vers le Morvan (lieux de vacances de l'amoureuse de Microbe). Découverte de la sexualité, des sentiments amoureux, du monde adulte, de la capacité à être soi-même ... Autant de thèmes des films d'adolescents que l'on retrouve ici. Mais l'univers de Gondry en fait un film différent, loin des sentiers convenus.  Comme pour les deux "héros", ce sont les chemins de traverse qui nous conduisent vers un univers enchanté. 

13 juillet 2015

"La Mariée était en noir" - William IRISH

 

Editions Folio - Policier - 2011- Traduit de l'américain par E. Michel Tyl (1946), traduction révisée par Emmanuelle de Lesseps (1984). 

Edition originale américaine de 1940, publiée à New York, sous le nom de Cornell Woolrich, véritable nom de William Irish.

Roman porté à l'écran par François Truffaut en 1967 avec Jeanne Moreau, Claude Rich, Jean Claude Brialy, Michel Bouquet, Michael Lonsdale et Charles Denner.

Le roman est divisé en cinq partie, chacune relatant un meurtre commis par une mystérieuse jeune femme, suivi d'une enquête conduite par l'inspecteur Wanger, convaincu que tous ces meurtres sont le fait d' une seule et même personne. Fasciné par cette femme qui se métamorphose pour mieux approcher ses victimes, Wanger essaie de trouver le point commun entre les victimes pour mieux comprendre qui est la femme et quels sont les motifs qui la font agir....

"Elle se leva brusquement et tourna le bouton de la radioo.

- Un peu de musique, voulez-vous ? proposa-t-elle.

Le son grave et gutural d'un trombone sembla soudain ricaner. Elle se mit à tourner autour de lui en virevoltant de plus en plus vite, et sa jupe se souleva, flotta autour de ses genoux.

Je n'ai plus d'amoureux!

Et c'est bien malheureux!

Il porta la main à son front.

- Je ne vous vois pas très nettement, dit-il. Qu'est-ce qui se passe ? Est-ce la lumière qui vacille ?

La danse continuait, de plus en plus rapide, la danse du triomphe de la mort.

- Non, la lumière ne vacille pas, c'est vous.

Il lâcha son verre qui se brisa sur le plancher. Il porta les mains à sa poitrine.

- Ca me déchire, là dedans, gémit-il. Appelez un médecin !

- Il arriverait trop tard.

Elle tournait comme une toupie, maintenant, tout autour de la pièce, rasant les murs. Il ne la voyait plus que comme une tache vague qui se fondait petit à petit dans les ténèbes.

Il était tombé à ses pieds, une légère écume mooussait au coin de ses lèvers.

- ... vous rendre heureuse, râla-t-il.

Une voix, venue de très loin, chuchota ironiquement :

- Vous avez réussi.

Et il n'y eut plus que le silence."

Si on comprend assez vite qu'il s'agit d'une histoire de vengeance, le mobile ne sera révélé qu'à la fin du roman et la chute est des plus désarmante ! Un polar très agréable à lire, dans lequel Irish sait nous prendre dans les filets de l'intrigue mais sans vraiment ménager de suspens. On sait que chaque personnage dont il est question dans chaque partie va finir par être tué entre les mains de cette mystérieuse femme. Mais comment va-t-elle s'y prendre et finalement comment l'inspecteur Wanger va-t-il réussir à la coincer ? 

L'ingéniosité de chaque meurtre nous surprend par son machiavelisme  et nous compatissons pour les victimes. Mais, dans le même temps, nous ne parvenons pas à rejeter totalement la meurtrière. Car pour en arriver à de telles extrémités, cette femme doit avoir une souffrance terrible à évacuer ... Et nous nous doutons que ses victimes doivent être coupables d'un bien grand crime pour finir ainsi ... 

Premier véritable succès de William Irish, La Mariée était en noir reste une référence, un modèle du genre, incontournable pour tout lecteur qui part à la découverte du polar nord-américain. ...

 

28 juin 2015

"Un Français" - Un film de Diastème

 

Sorti en salle le 10 juin 2015 - Réalisé par Diastème avec Alban Lenoir, Samuel Jouy, Paul Hamy....

Marco et sa bande de potes de la mouvance skin head aiment se retrouver pour boire, tabasser les noirs et les arabes, semer la terreur... La haine les réuni et les ravage en même temps. Sans limite, ils errent dans la ville, certains de leur invincibilité. A l'occasion ils servent de gros bras pour le Front National et cotoient ainsi la bourgeoisie raciste et xénophobe des beaux quartiers ... 

Lors d'une réunion électorale, il rencontre Corinne, jeune bourgeoise qui se dévergonde dans les soirées skin et admire la violence de Marco. Mais parallèlement à cette rencontre Marco semble se lasser de cette vie et ne plus accepter aussi facilement la haine et la bêtise de ses amis. Progressivement il s'en détache et part pour les îles, espérant ainsi mettre de la distance avec sa jeunesse nauséabonde. Mais Corinne n'accepte pas ce changement et part avec sa fille ... Commence alors une longue recherche de la rédemption, un long parcours pour tenter d'oublier ... mais le passé ne s'efface pas aussi facilement.

Que dire de ce film ? Les scènes choc de la première partie nous conduisent à l'écoeurement jusqu'à la scène ultime de l'assassinat  d'un homme noir à qui ils font boire du détergent. Puis, on retrouve Marco dans les îles au milieu de la population métissée, serveur de bar, lors de la finale de la Coupe du Monde du 1996. On comprend qu'il a changé de vie. Lui le raciste travaille maintenant, en connivence, avec les noirs... Mais pourquoi cette évolution ? Nulle réponse ... La deuxième partie est très démonstrative. Un pote en prison, un autre qui meure de trop de drogue et d'alcool, la pénitence est interminable. Quel message derrière tout cela ? Sinon le constat que les fachos finissent mal en général ... Mais pas tous ! Les grands bourgeois, eux s'en sortent. La dernière image, où Marco découvre sa fille portant une pancarte lors de la Manif pour tous achève la démostration. La haine de ces jeunes les conduit à une déchéance inéxorable, manipulés par une bourgeoisie non moins haineuse et facho, mais qui elle s'en sort très bien. Bon d'accord ...

 

27 juin 2015

"La Fille sans qualités" - Juli ZEH

 La fille sans qualités

Roman traduit de l'allemand par Brigitte Hébert et Jean Claude Colbus.Actes Sud 2007. Collection Babel.

Titre original : Spieltrieb . Publication en Allemagne : 2004

 

Après la première Guerre Mondiale, Robert Musil écrit "L'Homme sans qualité", roman inachevé dont le personnage central, Ulrich, homme qui a toutes les qualités, refuse de les employer pour laisser ouvertes toutes les possibilités, srcute la décadence de l'Empire austro-hongrois à la veille de la Grande Guerre. Mais il la scrute en marge des évènements, comme en retrait.

Le titre du roman de Juli Zeh renvoie forcément à l'oeuvre de Musil, somme essentielle de la littérature du XXeme siècle. A plusieurs reprises, les personnages y font référence.

"Il se mit à parler de Robert Musil, de Vienne telle qu'elle était à l'aube du siècle dernier, de l'épanouissement de la modernité. Il parla de la décomposition imminente qu'amènerait la Première Guerre mondiale, à laquelle nul de croyait, que nul n'avait prévue, et qui pourtant, telle une tempête de sable, avait tout emporté. Il parla de la perte de la foi, de l'effritement des valeurs, de l'anarchie d'un esprit déchaîné et de la quête frénétique de cette chose, qu'à une époque depuis longtemps révolue on avait baptisée "âme"."

ici, Ada, 14 ans a décidé d'être cette "fille sans qualités". Fille du nihilisme, elle n'a aucune considération pour le monde des adultes et place l'efficacité au-dessus de toute autre valeur.

« Ada se tenait moins pour un individu que pour la quintessence de l’esprit du temps. Quand elle se présentait aux autres en actes et en paroles, elle avait l’impression de leur montrer un prototype conçu pour faire voir aux humains émergents la prochaine étape vers laquelle l’évolution se dirigeait de manière tellement inéluctable que pessimisme et désenchantement n’avaient pas plus de sens qu’un hobby à la mode."

Avec Alev, de quatre ans son aîné, et Smutek, le professeur d'Allemand, ils forment le trio central qui va volontairement aller frapper aux portes de l'enfer. Nous sommes durant l'année scolaire 2004-2005 dans un lycée allemand qui tente de remettre sur le chemin de la réussite scolaire des élèves en perdition. 

Mais pour une partie de cette jeunesse qui a grandi avec le conflit des balkans, les attentats du 11 septembre et ceux de Madrid, la notion même de réussite n'a plus grand sens. Les questions qu'ils se posent sont d'une toute autre nature ...

"Le pragmatisme remplace pour nous tout ce qu’offraient autrefois les grandes idées et les religions, ce qui faisait croire à la paix, aux droits de l’homme et à la démocratie. Le pragmatisme nous empêche de devenir des criminels ou nous y incite quand c’est nécessaire. Il légitime la persistance de la justice, de la famille et du travail, il nous rend gentils et recommande de soigner son apparence. Après nous être libérés de toute contrainte, nous n’avons plus qu’un seul mentor : le pragmatisme. Tu verras : nous qui sommes vidés de tout, il ne nous manque rien !” 

Sans passion, rétive à tout sentiment, insensible et totalement déconnectée du réel qui l'entoure, Ada est pourtant une élève surdouée, à l'intelligence toujours en éveille . Mais elle s'ennuie ferme dans ce lycée de Bonne. Comme le héros de Musil, qui observe son temps avec un total détachement, elle regarde ses congénères, ses professseurs, le monde adulte avec distance et curiosité en prenant soin de ne pas s'impliquer. Jusqu'au jour où paraît Alev en qui elle voit immédiatement son égal et quelqu'un avec qui elle peut enfin se confronter. Mais Alev, habile rétoricien, est surtout un grand manipulateur et un grand pervers.

Une connivence se construit entre les deux élèves. Un jeu pervers et maléfique est organisé auquel se prête la jeune Ada avec tout le détachement dont elle est capable, et dont Smutek fera les frais. Jugé trop humain, il s'agit de libérer le professeur, par ce jeu, de valeurs qui l'empêchent, selon eux, de jouir d'une totale liberté. Et Smutek se laissera entraîner, pris dans les filets de la jeune Ada... Prisonnier de la manipulation, il ira au bout de l'expérience ...  avec Ada mais sans Alev.

 Juli Zeh organise sa longue narration, plus de 650 pages dans l'édition de poche, en de courts chapitres aux titres assez déroutants : "Quelque chose déraille sans qu'on puisse le saisir ; s'en suivent quelques semaines de torpeur", "Ada parle à sa mère et s'épile les sourcils", "L'envie de dormir est une odeur", "Devant la loi et en haute mer, nous sommes dans la main de Dieu" ... Titres enigmatiques qui trouvent leur développement et leur signatication dans le récit. 

On sort de ce roman avec un certain malaise. Car Juli Zeh sait nous rendre proches ces personnages qui parfois nous rebutent par leurs actes et leur insensibilité. Nous sommes pris entre le rejet de leur comportement et la sympathie pour ces jeunes qui refusent le système tel qu'on veut leur imposer.

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