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12 septembre 2015

"Manhattan Love Song" - William IRISH

9782869300378

Rivages / Noir - 

Publié en 1932, "Manhattan Love Song" est le premier roman de maturité de William Irish. Jusqu'ici cantonné dans la publications de nouvelles, il se tourne là vers le roman noir. New York, début des années 30, deux êtres se croisent par hasard dans la rue, Wade et Bernice. Le premier est marié a une femme amoureuse et possessive, la seconde mène une vie mystérieuse entre mafia, gangsters et prostitution. Manhattan love song est le roman d'une passion destructrice. Thème récurrent dans l'oeuvre de Irish. Lui est attiré par le mystère qui entoure Bernice, elle cherche avec Wade à fuire ses démons. Mais bien qu'elle cherche à lui cacher le côté obscure de son existence, et que lui ne tente pas vraiment d'en savoir plus, la réalité rattrape bien vite le couple. Et rien ne sert de la fuire, le destin reste le plus fort ...

"- C'est drôle, je ne sais pas comment t'expliquer, murmura-t-elle, mais j'ai parfois l'impression que tu es entré dans ma vie pour me rappeler qu'il était trop tard ; comme si quelqu'un agitait un doigt sous mon nez en disant : "Regarde ce qu tu as raté, Bernice !" Mais ce n'est pas tellement toi, mon chéri, c'est ce que tu représentes dans mon esprit ; tu n'as rien de particulier, tu n'es pas différent d'un douzaine, d'un millier d'autres hommes - comme dans cette chanson qu'on entend partout : "Bill est arrivé, vous le verriez dans la rue, vous ne le remarqueriez même pas." Mais tu m'aimes pour moi, c'est ça qui compte - et puis tu es honnête et sans cruauté. Le genre de filles que tu dois fréquenter ne me comprendraient pas : elles diraient : "Qui veut de Bill ? le monde est plein de Bill" ; elles veulent du romanesque, des niaiseries, des cheiks arabes et de mystérieux inconnus. Wade, mon chéri, un homme est mort entre mes bras ... J'ai du faire semblant de le ramener à notre table en dansant, alors que je savais que je tenais un cadavre entre mes bras, pour que les gens croient qu'il était simplement ivre - et son sang coulait des petits trous faits par la balle, imprimant sur ma robe des taches grosses comme des pièces de dix cents. Peut-être que c'est ça le romanesque ; pour moi c'était simplement obéir aux ordres. Ils peuvent se le garder, le romanesque ; moi je veux ce que toi tu représentes. Je veux vivre à ta manière, et oublier la mienne. Et je crains que ce ne soit, malheureusement, trop tard."

Comme dans ses romans ultérieurs, le personnage féminin est au centre de la descente aux enfers du couple. C'est elle qui entraine le pauvre Wade, victime consentante, vers la déchéance et l'enfer. Alors, la vie ne vaut plus la peine d'être vécue, plus rien n'a de sens ... que la mort. William Irish est considéré comme un des maîtres du roman à suspens. Si ces romans ultérieurs vont lui permettre de développer plus encore cette veine littéraire ("J'ai épousé une ombre", " La sirène du Missippi"...), l'intrigue de Manhattan love song laisse déjà une grande place au suspens. Mais tout est insidieux. A chaque page la catastrophe annoncée nous semble de plus en plus inéluctable sans qu'on soit capable de pressentir d'où elle va venir : la vengeance, l'infidélité, le désespoir, la double vie .. quel va être l'élément déclencheur ? Tout l'art de William Irish réside dans cette capacité à faire progressivement monter la tension pour nous contraindre à ne plus reposer le livre sans en avoir lu l'ultime ligne...

Si Manhattant love song n'est certe pas le meilleur des romans de William Irish, il mérite grandement le détour pour les germes qu'il porte en lui et une lecture agréable et prenante.

 

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